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    GRANDEUR ET DECADENCE

     

    Que reste-t-il des palais de Mobutu vingt-deux ans après sa mort

     

    Le 7 septembre 1997, le maréchal Mobutu Sese Seko, ancien président du Congo rebaptisé Zaïre, décédait à Rabat au Maroc. Renversé quelques mois plus tôt par l'avancée de la rébellion de AFDL de Laurent-Désiré Kabila, Mobutu était emporté par un cancer à l'âge de 66 ans. Il vivait en exil au Maroc depuis son départ de son fief de Gbadolite le 18 mai 1997, deux jours après avoir fui Kinshasa en compagnie de sa proche famille et de quelques fidèles.

     

    Versailles de la jungle

     

    Gbadolite était le symbole du régime de Mobutu : c'est la ville d'origine du président, inondée de privilèges et d'équipements, comme le reste du pays ne pouvait qu'en rêver : centrale hydroélectrique et électricité, liaisons satellite, routes, aéroport prévu pour accueillir un Concorde... et puis des palais.

     

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    GRANDEUR ET DECADENCE

    Ces "Versailles de la jungle", trois palais en pleine forêt tropicale dans la province septentrionale de l'Equateur, ont été bâtis pour le chef de l'Etat. Deux à Kawele, l'un avec d'insolites pagodes chinoises, l'autre en style moderne, et enfin un troisième à l'est de Gbadolite, le Palais des Bambous. En 2004, le réalisateur Thierry Michel présentait quelques images de ces palais à l'occasion de la sortie en DVD de son film "Mobutu, roi du Zaïre".

     

    GRANDEUR ET DECADENCEpalais bambou

     

    On sait qu'après la prise du pouvoir par Laurent Désiré Kabila, les palais furent pillés. Depuis, ils subissent le climat tropical. En décembre 2010, un photographe français les a fixés dans ces clichés évocateurs. Gwenn Dubourthoumieu a photographié des salles vides, où tout ce qui pouvait être emporté a été arraché. Des militaires squattent toujours les lieux et des "membres de la famille" font payer la visite.

    Ailleurs au Congo, l'appétit immobilier du "vieux léopard" s'est aussi manifesté à Nsele à une quarantaine de kilomètres de Kinshasa.

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    Pour être complet, il faut aussi quitter le Congo et savoir que le président zaïrois avait une brique dans le ventre. Dix propriétés en Belgique, dont 5 châteaux : il avait investi notamment à Rhode-Saint-Genèse et à Uccle, ici à Fond'Roy avec son parc de 5 hectares, ou avenue Maréchal Ney, avenue du Prince d'Orange, avenue Brugmann, et à Ixelles près des étangs.

    Ou encore en France, comme au Cap Martin, sur la côte d'Azur, ou avenue Foch à Paris, et en Suisse avec son domaine de Savigny, près de Lausanne. En Afrique même, il possédait encore des hôtels et une villa à Dakar, des villas en Côte d'Ivoire, à Bangui, au Tchad et à Monbasa.

    Source : rtbf.be

     


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  • Mobutu le «Léopard zaïrois»

     

    Mobutu le «Léopard zaïrois»

     

     

     

    Le 7 septembre 1997 s'éteignait Mobutu Sese Seko, «l'homme-léopard». Retour sur trois décennies de domination sans partage.

    «C'est une lutte qui fut de larmes, de feu et de sang. Nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes» déclare Patrice Émery Lumumba dans son discours du 30 juin 1960, en présence du roi des Belges Baudouin Ier. L'ancienne colonie congolaise est désormais une république indépendante, dont Lumumba est le premier ministre. Mais déjà l'officier Joseph Désiré Mobutu, jeune loup ambitieux nommé à la tête de l'État-major, profite de ses nouvelles fonctions pour faire arrêter Lumumba et prendre le pouvoir par la force, le 14 septembre 1960.

    Putsch

    «Il ne s'agit pas d'un coup d'État militaire, mais plutôt d'une simple révolution pacifique.» C'est en ces termes que le secrétaire d'État décrit les évènements de septembre. Pourtant, il s'agit bien d'un putsch militaire. Quatre mois plus tard, l'ancien chef de gouvernement Patrice Lumumba est livré aux séparatistes katangais, qui le torturent et l'assassinent dans le plus grand secret, le 17 janvier 1961. La conquête du pouvoir se poursuit par un second coup d'État en 1965 et par l'élimination de tous les opposants et anciens partisans de Lumumba. Parmi eux, quatre anciens ministres sont pendus au printemps 1966. Cette exécution publique, qui a lieu le jour de la Pentecôte, est un moment fondateur de la IIème République de Mobutu, proclamée l'année suivante.

    Dans cette vidéo de l'INA, Patrice Lumumba, placé en résidence surveillée par les hommes de Mobutu, exprime son incompréhension sour le regard des caméras occidentales.

     

    Nsélé

    Pour asseoir sa dictature et assurer l'unité du pays, le président autoproclamé promulgue le Manifeste de la Nsélé le 20 mai 1967, créant de facto le «Mouvement populaire de la Révolution» (MPR), un parti politique dont tous les Zaïrois sont membres de droit dès leur naissance, «des ancêtres aux fœtus». Son emblème est une main tenant un flambeau allumé. Sa devise? «MPR: Servir». Chef charismatique du parti-État, Mobutu se pose en démiurge prométhéen: il est le «père fondateur de la nation», celui qui a donné son unité au territoire et sa dignité au peuple zaïrois.

     

     

    Le Prince

    Il n'est pas étonnant de trouver le traité de Nicolas Machiavel parmi les livres de chevet du maréchal-président. Pour se maintenir au pouvoir, Mobutu fait siennes deux qualités vantées par le philosophe florentin: le pragmatisme et la ruse. Celles-ci le conduisent à mettre en scène plusieurs faux complots, suivis de procès en haute trahison.

     

    Mobutu le «Léopard zaïrois»

    Mobutu n'hésite pas non plus à faire couler le sang, pour réprimer les mutineries de l'été 1960, la révolte étudiante de 1969 ou encore la «marche de l'espoir» organisée à Kinshasa en 1992. Au chapitre diplomatique, le dictateur rencontre tous les grands de ce monde (Élisabeth II, le général de Gaulle, Mao Zedong, …). Il peut en outre compter sur un triangle d'or Belgique-France-États-Unis, trois pays avec lesquels il maintient des relations étroites. Le président Valéry Giscard-d’ Estaing déclare ainsi tenir Mobutu en «ami».

     

    Mobutisme

    S'inspirant à la fois de l'héritage lumumbiste et de la pensée de Léopold Sédar Senghor, le père de la nation développe une doctrine nationaliste à laquelle il donne son nom: le mobutisme. Fondée sur l'idée d'un retour à «l'authenticité» africaine, celle-ci préconise -entre autres- le port du costume traditionnel, l'usage généralisé du Lingala, l'abandon des noms chrétiens. Joseph Désiré devient alors Mobutu Sese Seko Kuku Ngenbdu wa Zabanga, «le guerrier tout-puissant et victorieux qui va de victoire en victoire sans que rien ne puisse l'arrêter». Sese Seko signifie aussi «l'Éternel», celui qui dure.

     

    Homme-léopard

    Le culte de la personnalité qui s'organise autour du «guide» brasse ensemble le décorum des régimes totalitaires, le vocable révolutionnaire, les références messianiques et le totémisme traditionnel. Le visage de «Papa maréchal» fait une apparition divine au milieu des nuages dans un spot diffusé avant chaque journal télévisé. Il y porte, comme toujours, la toque tachetée symbole de puissance, qui fait de lui le «léopard de Kinshasa».

    Zaïrianisation

     

    Mobutu le «Léopard zaïrois»

    En 1971, c'est «l'année des trois Z». Le pays, le fleuve et la monnaie de l'ancien Congo belge prennent le nom de Zaïre. Une fois la révolution culturelle et politique accomplie, c'est au tour de l'économie d'être «zaïrianisée». Les entreprises étrangères implantées au Zaïre sont confiées aux favoris du régime; la corruption et le népotisme se développent. Le slogan du parti-État est ironiquement détourné: «MPR? Se servir». Pendant plus de vingt ans, le clan Mobutu ponctionne systématiquement la trésorerie des entreprises et les caisses de l'État pour s'autofinancer. Au besoin, il fait tourner la planche à billets. Alors que les services publics et les structures industrielles du pays s'effondrent, la fortune de la famille Mobutu atteint plusieurs milliards de dollars.

    Magie noire

    «Le maréchal est habituellement entouré par trois cercles d'intimes: la famille, les financiers et les magiciens», confiait Patrick de Saint-Exupéry dans les colonnes du Figaro en avril 1997. S'il a toujours collectionné les grigris et les talismans, Mobutu développe un mysticisme paranoïaque vers la fin de sa vie. «Au milieu des années 1990, lors de la fin crépusculaire du maréchal miné par le cancer, les marabouts loués à prix d'or (…) occupaient un étage entier de l'hôtel Intercontinental de Kinshasa» lit-on encore dans l'hebdomadaire Jeune Afrique.

    À partir de 1993, les malheurs s'accumulent pour le clan Mobutu: les militaires impayés et la population affamée pillent Kinshasa, Papa-Léopard tombe malade, deux de ses fils trouvent la mort… Désavoué par la communauté internationale et par son propre peuple, Mobutu est aussi la cible des banques internationales, qui gèlent ses avoirs.

    En 1997, l'offensive menée par Laurent-Désiré Kabila force le président vieillissant à la négociation. Humilié, il fuit le Zaïre -qui retrouve son nom ancestral de Congo dès son départ. Mobutu meurt auprès des siens le 7 septembre 1997, à Rabat, au Maroc.

     

    «Lors de la fin crépusculaire du maréchal miné par le cancer, les marabouts (…) occupaient un étage entier de l'hôtel Intercontinental de Kinshasa»

     

    Les esprits cartésiens virent dans cette fin de règne les conséquences de trente ans de dictature et d'un processus de pluralisation politique qui avait laissé éclater les contestations à partir de 1990. Mais les proches de l'ancien chef de l'État en sont persuadés: c'était une malédiction. Tous ces sacrifices humains avaient attiré le mauvais œil, et Prométhée ne pouvait échapper aux foudres de Zeus.

     

    Source : le figaro.fr Pauline Deydier

     


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